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CRITIQUE DU JUGEMENT TÉLÉOLOGIQUE


toutes les fois que nous attribuons de la causalité au concept d’un objet, comme si ce concept était dans la nature (et non en nous-mêmes), ou que, pour mieux dire, nous nous représentons la possibilité d’un objet par analogie avec ce genre de causalité (qui est le nôtre), concevant ainsi la nature comme étant technique par sa propre puissance, au lieu de ne voir dans sa causalité qu’un simple mécanisme, comme il le faudrait si on ne lui attribuait ce mode d’action. Si, au contraire, nous admettions dans la nature des causes agissant avec intention, et si, par conséquent, nous donnions pour fondement à la téléologie non plus simplement un principe régulateur, nous servant à juger les phénomènes de la nature, considérée dans ses lois particulières, mais un principe constitutif, qui déterminerait l’origine de ses productions, alors le concept d’une fin de la nature n’appartiendrait plus au Jugement réfléchissant, mais au Jugement déterminant. Ou plutôt ce concept n’appartiendrait plus proprement au Jugement (comme celui de la beauté en tant que finalité formelle subjective) ; comme concept rationnel, Il introduirait dans la science de la nature une nouvelle espèce de causalité. Mais cette espèce de causalité, nous ne faisons que la tirer de nous-mêmes pour l’attribuer à d’autres êtres, sans vouloir pour cela les assimiler à nous.


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