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POSSIBILITÉ DE LA PHYSIQUE PURE.


que cette expérience doit par conséquent renfermer tous les objets de nos notions, et qu’en dehors d’elle toutes les notions, par le fait qu’aucune intuition ne leur est soumise, seront sans signification.


§ XXXVI.

L’imagination est peut-être excusable s’il lui arrive parfois de délirer, c’est-à-dire de ne pas se renfermer prudemment dans les limites de l’expérience, car au moins elle est animée et fortifiée par un libre saut, et il lui sera toujours plus facile de modérer son audace que d’exciter sa langueur. Mais que l’entendement, qui doit penser, délire au contraire, c’est ce qu’on ne peut jamais lui passer ; car sur lui seul se fonde tout l’espoir de mettre autant que possible des bornes au délire de l’imagination.

C’est ce qu’il entreprend avec beaucoup de retenue et de modestie. Il commence par tirer au clair les connaissances élémentaires qui peuvent résider en lui avant toute expérience, mais qui doivent néanmoins avoir toujours leur application dans l’expérience. Il oublie peu à peu ces limites ; qu’est-ce qui pourrait l’en empêcher, puisque entièrement libre, il a tiré ses principes de lui-même ? Il va donc, pour commencer, à des forces nouvellement imaginées dans la nature, bientôt après à des êtres en dehors de la nature, en un mot à un monde pour l’édification duquel nous ne pouvons manquer de matériaux, puisqu’une féconde imagination en fournit abondamment, et que si l’expérience ne confirme pas l’œuvre, elle ne la contredit