Page:Kipling - Au hasard de la vie, trad. Varlet, 1928.djvu/151

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porteurs. Chaque coolie du secteur prend un billet… ou sinon il leur donne congé… une fois par mois le jour de paye. Chaque coolie qui la gagne la lui redonne, car elle est trop encombrante pour l’emporter, et il sacquerait l’homme qui essaierait de la vendre. Ce Dearsley est devenu riche comme Crésus, avec son infâme loterie. Deux mille coolies frustrés une fois par mois !

— Zut pour les coolies ! Toi, mon gars, tu as pris de l’amusement ? dit Learoyd.

— Attends. Après avoir découvert cette étonnante et formidable escroquerie commise par le Dearsley, je tins conseil de guerre ; il essayait tout le temps de m’induire au combat par son langage outrageant. Jamais cette chaise à porteur n’a pu appartenir de droit à un contremaître de coolies. C’est la chaise d’un roi ou d’une reine. Il y a de l’or dessus et de la soie et toute sorte d’ornements. Les gars, ce n’est pas à moi de proposer un méfait quelconque… car je suis le plus vieux… mais… enfin il l’a eue neuf mois, et il n’oserait pas faire de raffut si on la lui prenait. Huit kilomètres de distance, ou peut-être neuf…

Il y eut un long silence, et les chacals hurlèrent joyeusement. Learoyd releva sa manche et contempla son bras au clair de lune. Puis il hocha la tête tant pour lui-même que pour ses amis. Ortheris se tortillait d’émotion rentrée.

— Je pensais bien que vous verriez que c’est raisonnable, reprit Mulvaney. J’ai déjà pris la liberté d’en dire autant à notre homme. Il était pour