Page:Kipling - Au hasard de la vie, trad. Varlet, 1928.djvu/176

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pas les rendait folles. Sainte Mère du ciel ! comme elles pleuraient, tandis que cette vieille déesse abaissait sur elles sa grimace tellement ironique ! J’eus vite fait de me dégriser, et je réfléchissais aussi fort que les idées voulaient bien me venir à la cervelle… pensant au moyen de sortir de là et à toutes sortes de bêtises en même temps. Les femmes alignées se balançaient, faisant cliqueter leurs ceintures de diamant, et les larmes leur coulaient entre les doigts, tandis que les lumières baissaient et s’obscurcissaient. Alors il partit du toit une clarté brillante comme un éclair, qui me montra l’intérieur du palanquin, et à l’extrémité où reposait mon pied, mon propre portrait tout craché brodé sur la doublure. Tenez, ce bonhomme-ci. »

Il fouilla dans les plis de sa simarre rose, passa la main sous l’un d’eux, et fit saillir à la lueur du feu une image brodée, d’un pied de long, représentant le grand dieu Krishna, jouant de la flûte. Avec sa joue épaisse, son œil fixe et sa moustache d’un noir bleu, le dieu offrait une ressemblance lointaine avec Mulvaney.

— La clarté avait disparu en un clin d’œil, mais ce fut alors que me vint tout mon plan. Je crois du reste que j’étais fou. Je fis glisser le volet extérieur et me faufilai dans l’ombre par derrière le pilier aux têtes d’éléphants, puis retroussai mes pantalons jusqu’aux genoux, me débarrassai de mes bottes, et m’emparai en bloc de toute la doublure rose du palanquin. Par bonheur, elle s’arracha comme la robe d’une femme quand on marche dessus au bal