Page:Kipling - Au hasard de la vie, trad. Varlet, 1928.djvu/255

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d’un journal dont il citait fréquemment les articles de tête.

— Ce maudit Empire fait déjà tant de gaffes par lui-même que tant que nous n’arriverons pas à en doubler la moyenne annuelle il est capable de ne pas s’apercevoir qu’il s’est produit quelque chose de spécial, répliqua le deuxième conspirateur. Êtes-vous prêts à reconnaître que toutes nos capacités se bornent à faire éclater le tube d’un canon de cent tonnes ou à jeter au sec sur un écueil visible et en plein jour, un bateau de dix mille tonnes ? On peut nous battre à ce jeu-là. Mieux vaut nous associer aux branches d’action directe ; nous sommes en fonds à présent. Essayons carrément d’un attentat dans une rue bondée. Ils attachent du prix à leurs sales peaux.

C’était un Irlandais américanisé de la deuxième génération, qui méprisait sa propre race et haïssait l’autre. Il avait appris la patience, et jouait le rôle du frein sur la roue.

Le troisième conspirateur buvait son cocktail sans mot dire. C’était le stratège, mais par malheur sa connaissance de la vie était limitée. Il prit dans sa poche intérieure une lettre qu’il jeta sur la table. Cette épître aux Gentils contenait quelques instructions très laconiques des Trois Premiers de New-York. Elle disait :

« La hausse sur les fers bruts a déjà affecté les marchés de l’est, où nos agents se sont mis à faire prendre le stock détenu par les Anglais aux petits acheteurs qui attendent le revirement des prix.