Page:Kipling - Au hasard de la vie, trad. Varlet, 1928.djvu/28

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— Non, répondit Georgina d’une voix défaillante. Laissez-moi aller. Je m’en vais. Je vous jure que je m’en vais.

Elle se libéra d’une secousse et s’enfuit dans les ténèbres.

— Pauvre petit animal ! dit Gillis en regagnant la grand’route. Je lui aurais bien donné quelque chose pour retourner en Birmanie. Tout de même il l’a échappé belle. Et cet ange ne lui aurait jamais pardonné.

Ce qui semble prouver que le dévouement de Gillis n’était pas uniquement dû à son amitié pour Georgie Porgie.

Après leur dîner le jeune marié et son épouse sortirent dans la véranda, afin que la fumée des cheroots de Georgie Porgie ne risquât point d’imprégner les rideaux du salon.

— Quel est ce bruit-là en bas ? demanda la jeune mariée.

Tous deux écoutèrent.

— Oh ! dit Georgie Porgie, c’est sans doute une brute de montagnard qui vient de battre sa femme.

— Battre… sa… femme ! Quelle horreur, dit la jeune mariée. Vois-tu que tu irais me battre !

Elle passa un bras autour de la taille de son mari, et appuyant la tête contre son épaule, dans la profonde sécurité de son bonheur, regarda au dehors la vallée remplie de brume.

Mais c’était Georgina qui pleurait toute seule, au bas de la pente, parmi les pierres du cours d’eau où les lavandières font la lessive.