Page:Kipling - Au hasard de la vie, trad. Varlet, 1928.djvu/84

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a dit qu’il n’y avait plus de loi de frontière parce qu’on avait envoyé un Bengali, et que nous n’avions plus besoin de craindre les Anglais du tout. Ils sont donc descendus pour venger cette injure et faire du butin. Vous savez ce qu’il en est advenu, et à quel point je vous suis venu en aide. Maintenant cinq fois vingt d’entre nous sont morts ou blessés, et nous sommes tout pleins de honte et de regret, et ne désirons plus la guerre. D’ailleurs, afin que vous nous écoutiez mieux, nous avons coupé la tête au mullah aveugle, dont les mauvais conseils nous ont induits en folie. Et pour preuve je l’ai apportée. (Et il laissa tomber la tête sur le sol.) Il ne vous donnera plus d’ennui, car c’est moi qui suis chef à présent, et je siège à la plus haute place à toutes les audiences. Mais à cette tête il y a un pendant. Ce fut la faute d’un autre. L’un de nos hommes a rencontré cet animal de Bengali noir, origine de tout ce mal, errant à cheval et en pleurs. Considérant qu’il avait causé la perte de maintes bonnes existences, Alla Dad Khan, que, si vous y tenez, je fusillerai demain, lui fit sauter la tête, et je vous l’apporte, afin que vous puissiez l’enterrer pour cacher votre honte. Voyez, personne n’a pris les lunettes, bien qu’elles soient en or.

Lentement roula aux pieds de Tallantire la tête aux cheveux frisés d’un gentleman bengali à lunettes, yeux ouverts, bouche ouverte… la tête de l’Épouvante incarnée. Bullows se pencha.

— Encore une autre rançon du sang, et une lourde, Khoda Dad Khan, car ceci est la tête de