Page:Kipling - Le Livre de la jungle, trad. Fabulet et Humières.djvu/119

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qui avait enlevé le fils de Messua était un tigre-fantôme, un corps habité par l’âme d’un vieux coquin d’usurier mort quelques années auparavant.

— Et je sais que cela est vrai, dit-il, parce que Purun Dass boitait toujours du coup qu’il avait reçu dans une émeute, quand ses livres de comptes furent brûlés, et le tigre dont je parle boite aussi, car les traces de ses pattes sont inégales.

— C’est vrai, c’est vrai, ce doit être la vérité l’approuvèrent ensemble les barbes grises.

— Toutes vos histoires ne sont-elles que pareilles billevesées, pareils contes de la lune ? dit Mowgli. Ce tigre boite parce qu’il est né boiteux, comme tout le monde le sait. Et parler de l’âme d’un usurier dans une bête qui n’a jamais eu le courage d’un chacal, c’est parler comme un enfant.

La surprise laissa Buldeo sans parole pendant un moment, et le chef du village ouvrit de grands yeux.

— Oh, oh ! C’est le marmot de la jungle, n’est-ce pas ? dit enfin Buldeo. Puisque tu es si malin, tu ferais mieux d’apporter sa peau à Khaniwara, car le gouvernement a mis sa tête à prix pour cent roupies… Mais tu ferais encore mieux de te taire quand tes aînés parlent !