Page:Kipling - Le Livre de la jungle, trad. Fabulet et Humières.djvu/94

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réside dans le choc de sa tête appuyée de toute la force et de tout le poids de son corps. Si vous pouvez imaginer une lance, ou un bélier, ou un marteau lourd d’à peu près une demi-tonne, conduit et habité par une volonté froide et calme, vous pouvez grossièrement vous figurer à quoi ressemblait Kaa dans le combat. Un python de quatre ou cinq pieds peut renverser un homme s’il le frappe en pleine poitrine ; or, Kaa, vous le savez, avait trente pieds de long. Son premier coup fut donné au cœur même de la masse des singes qui s’acharnaient sur Baloo, envoyé à son but bouche close et sans bruit. Il n’y en eut pas besoin d’un second. Les singes se dispersèrent aux cris de :

— Kaa ! C’est Kaa ! Fuyez ! Fuyez ! …

Depuis des générations les singes avaient été tenus en respect par l’épouvante où les plongeaient les histoires de leurs aînés à propos de Kaa, le voleur nocturne, qui glisse le long des branches aussi doucement que s’étend la mousse, et enlève aisément le singe le plus vigoureux ; du vieux Kaa, qui peut se rendre tellement pareil à une branche morte ou à une souche pourrie que les plus avisés s’y laissent prendre, jusqu’à ce que la branche les saisisse. Kaa était tout ce que craignaient les singes