Page:Kipling - Trois Troupiers et autres histoires, trad. Varlet, 1926.djvu/155

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fini mon temps, je suis de la réserve, et le code militaire n’a plus de prise sur moi. Un officier ne peut rien faire à un homme libéré, si ce n’est le consigner à la caserne. C’est un règlement sage, car un homme libéré n’a plus la moindre caserne, puisqu’il est en route tout le temps. C’est un règlement de Salomon que celui-là. Je voudrais bien connaître l’individu qui l’a fabriqué. Il est plus facile d’amener des poulains depuis la foire aux chevaux de Kibberen jusqu’à Galloway que de mener un mauvais détachement de libérés sur une distance de dix milles. D’où ce règlement, de crainte que les hommes ne soient molestés par leur petit gamin d’officier. Enfin n’importe. À mesure que mon wagonnet approchait du camp de repos, le sabbat devenait plus farouche, et plus sonore la voix de Peg Barney. « Va bien que je suis ici, que je me dis en moi-même, car à lui tout seul Peg donne du fil à retordre à deux ou trois. » Il était, je le savais bien, plein comme une bourrique.

« Vrai, il était beau à voir, ce camp de repos ! Les cordes des tentes étaient toutes de guingois, et les piquets avaient l’air aussi ivres que les hommes : cinquante qu’ils étaient… les balayures, les rinçures, et les vidures du diable de mon vieux régiment. Je vous le garantis, monsieur, de votre vie entière vous n’avez jamais vu des gens plus saouls qu’eux.