Page:Kipling - Trois Troupiers et autres histoires, trad. Varlet, 1926.djvu/275

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mourir. Je puis expédier un « envoi » n’importe où vous voudrez, et sous une forme quelconque, autre que l’apparence d’un homme.

L’Anglais n’avait pas d’amis qu’il souhaitât tuer, mais tant pour apaiser Dana Da, dont les yeux chaviraient, que pour voir ce qui se passerait, il demanda si l’on ne pouvait combiner un « envoi » atténué — un « envoi » tel qu’il rendrait la vie à charge à quelqu’un, sans pourtant lui faire de mal. Dans l’affirmative, il se déclara prêt à donner dix roupies à Dana Da pour le travail.

— Je ne suis plus ce que j’étais jadis, répondit Dana Da, et ma pauvreté m’oblige à accepter l’argent. À quel Anglais dois-je expédier cela ?

— Expédiez un « envoi » à Lone sahib, répondit l’Anglais, nommant l’homme qui lui avait le plus amèrement reproché son reniement de la foi des Tasses-à-thé.

Dana Da sourit et s’inclina.

— Je n’aurais pas mieux choisi moi-même, fait-il. Je veillerai à ce qu’il trouve l’ « envoi » sur son chemin et sur son lit.

Il s’allongea sur le tapis, roula des yeux blancs, frissonna de tout son corps, et se mit à ronfler. C’était l’effet de la magie, ou de l’opium, ou de l’ « envoi », ou des trois réunis. Quand il rouvrit les yeux il jura que l’ « envoi » était parti sur le sentier