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le chien d’or

pour père un brave, un honorable citoyen, dont vous pouvez être fier. Pas un fils qui n’en serait orgueilleux. Le pays lui doit beaucoup et il mérite sa reconnaissance. Mais veillez sur ses jours, maintenant que vous êtes ici, car il a des ennemis implacables et puissants, qui lui feront tout le mal possible.

— Il en a ! affirma de La Corne St. Luc. Je le lui ai dit au sieur Philibert, je l’en ai averti ; mais il ne semble pas fort inquiet. L’autre jour, l’Intendant a parlé de lui publiquement, de la façon la plus brutale.

— Vraiment ! chevalier ? demanda Philibert. Et ses yeux lancèrent une flamme qui ne ressemblait pas aux rayons qu’ils laissaient tomber sur Amélie tout à l’heure. Il me rendra compte de ses paroles, fut-il régent de France, au lieu d’être Intendant de la colonie.

De la Corne St. Luc parut l’approuver ; cependant il lui dit :

— Ne lui cherchez pas querelle maintenant, Pierre. Vous ne pouvez pas le provoquer, non plus, à cause de ce qu’il a dit.

Madame de Tilly qui écoutait avec une certaine inquiétude, ajouta :

— Ne le provoquez pas du tout, Pierre Philibert ! jugez-le, puis évitez sa présence comme doit faire un vrai chrétien. Dieu traitera Bigot selon son mérite. L’homme astucieux verra un jour ses projets tourner contre lui-même.

— Oh ! ma tante ! Bigot est un gentilhomme, un homme trop bien élevé pour insulter qui que ce soit, affirma Le Gardeur, toujours prêt à défendre celui qu’il considérait comme son ami. C’est le roi des gais compagnons, ajouta-t-il, pas astucieux du tout, mais tout superficiel, tout éclat.

— Vous n’avez jamais étudié le fond de cet homme, Le Gardeur, reprit de La Corne. J’admets qu’il est un gai compagnon, un bon buveur, un joueur agréable ; mais avouez qu’il est aussi ténébreux, aussi caché que la caverne du diable dans le comté