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LE CHIEN D’OR

L’obscurité devenait de plus en plus épaisse. Le vent traînait des lambeaux de ténèbres sur la terre endormie ; les éclairs déchiraient la nuit et montraient aux canotiers un chemin de feu.

La pluie se mit à tomber ; quelques gouttes larges d’abord ; mais bientôt, ce fut un torrent. Le vent la poussait avec rage pour la rendre plus insupportable. Puis, un nuage de grêle creva. Ce fut un fracas épouvantable. On eut dit que les arbres de la forêt se cassaient en éclats, et que des balles rougies pleuvaient dans les flots.

Amélie tenait le bras de Philibert. Elle songeait à Francesca da Rimini qui se cramponnait à Paulo dans la tempête de vent et la mouvante obscurité qui les emportaient.

— Ô Pierre, quel présage ! murmura-t-elle. Dira-t-on de nous aussi :

Amor condusse noi ad una morte !
L’amour nous a conduits dans le même tombeau !

— Dieu le veuille ! répondit Philibert. Mais ce sera quand nous l’aurons mérité par une longue vie d’affection et de dévouement.

Les canots arrivèrent au terme de leur course. Les jeunes gens sautèrent sur la rive et coururent à travers la pelouse, en passant sous les grands arbres protecteurs, vers le seuil hospitalier où les serviteurs les attendaient.