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le chien d’or

Elle n’aurait pas voulu aimer un autre homme ainsi : elle n’aurait pas voulu, non plus, le sacrifier pour un autre que pour Bigot L’intendant royal !… l’Intendant royal valait bien cela ! Elle voulait aller à l’Intendant et nulle barrière, fut-elle d’eau ou de feu, ne pourrait l’arrêter. À l’un sa main, à l’autre son cœur !

Elle accomplirait ce dessein. Il le fallait. Le Gardeur ne manquait pas de qualités, l’Intendant n’en possédait aucune ; il y avait donc du mérite à sacrifier le premier. Il fallait presque de l’héroïsme pour accomplir un acte de pareille abnégation. Où sont les femmes qui font taire leur amour quand parle l’ambition ? Mais Le Gardeur serait à jamais inconsolable et nulle autre femme ne la ferait oublier, elle, Angélique !

Quelles délices !

II.

Les jours qui suivirent cette nuit de séparation furent, pour la jolie coquette, des jours orageux. Tantôt elle s’irritait contre elle-même, tantôt contre Le Gardeur. Elle regrettait qu’il se fût montré si impatient ; il n’aurait pas dû la prendre au mot ! Elle se fâchait surtout parce qu’elle ne recueillait pas immédiatement le prix de sa trahison.

Elle ressemblait à un enfant méchant qui ne veut donner ni garder l’objet qu’il tient. Le départ de Le Gardeur pour Tilly la blessait, éveillait sa jalousie. Elle n’aurait pas voulu qu’Amélie eût assez d’influence sur lui pour l’emmener à la campagne.

Ce qui la froissait davantage, c’était de voir que l’Intendant brûlait d’amour pour elle et ne lui parlait point de mariage. Il venait la voir chaque jour, et chaque jour elle déployait, pour le fasciner, toutes les ressources de la coquetterie. Elle revêtait les plus riches toilettes, les toilettes les plus propres à faire ressortir sa beauté ; elle amenait la conversation sur les sujets qu’il affectionnait, et causait avec cette familiarité qu’il aimait de préférence. Elle riait