Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/469

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
457
le chien d’or

elle aimait le demi-jour ; et les pensées sombres qui l’obsédaient se seraient peut-être évanouies à la lumière : elles venaient des ténèbres et se complaisaient dans les ténèbres. Nous sommes instinctivement portés à nous assimiler ce qui nous entoure. Si nous sommes lumière et joie, il faut que tout soit joie et lumière comme nous ; si nous sommes tristesse et obscurité, le sombre seul nous plaît.

II.

Angélique aurait détesté le joyeux éclat de la lampe ; la mystérieuse lumière de l’âtre qui se perdait dans les angles noirs et lui permettait de remplir la chambre de tous les fantômes de son imagination, lui était plus agréable.

Tout à coup, elle joignit les mains et leva les bras au-dessus de sa tête :

— Par Dieu ! il faut que cela se fasse ! il le faut ! murmura-t-elle entre ses dents.

Elle se tut aussitôt.

— Quoi donc ? se demanda-t-elle ensuite, et elle se prit à rire comme pour se moquer d’elle-même.

— Il m’a dit : Sa vie ! Il n’avait pas cette intention, non ! il ne l’avait pas ! Il m’a traitée comme un enfant gâté. Il me donne sa vie et me refuse une lettre de cachet ! Un don que sa bouche menteuse m’a fait ; mais non son cœur ! N’importe ! il tiendra sa promesse !… il la tiendra malgré lui !… Il n’y a pas d’autre moyen !… Il faut que cela se fasse ! il le faut !…

Alors, elle crut voir son vieux confesseur, le père Vernout, qui la menaçait du doigt, comme il avait coutume de faire quand elle s’accusait de quelque faute légère ; mais ses yeux étaient pleins de larmes. Elle se détourna vivement, comme pour se débarrasser de l’importune vision. Elle ne voulait pas voir, même en songe, la main bénie qui se levait pour lui montrer l’abîme où elle courait.