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le chien d’or

Elle fut tentée d’emporter le diamant que la morte avait au doigt. Elle le fit glisser, l’examina d’un œil ardent de convoitise, mais finalement n’osa pas le voler, de peur de se compromettre. Elle le rendit au cadavre.

— Cela me ferait découvrir, murmura-t-elle… Il vaut mieux ne rien emporter que ce qui vient de moi, et vite, sauvons-nous !

Elle mit le coffret sous son bras et jeta un dernier regard, un regard de satisfaction sur la victime qui gisait là, comme un ange tombé dans les combats du Seigneur. La lampe se reflétait dans ces beaux grands yeux qui ne voyaient plus, et cependant semblaient se fixer avec douleur et miséricorde sur l’empoisonneuse.

Ce regard fit peur à la Corriveau. Elle se détourna vivement, puis, rallumant sa bougie, elle sortit, oubliant de fermer sur elle la lourde porte de fer de la chambre secrète.

VIII.

Arrivée à la tour, elle monta le grand escalier. Sur le palier, elle éteignit sa lumière, puis s’approcha de la porte béante où la lune plongeait un pâle rayon. Elle franchit le seuil désolé, et debout, immobile, perçant l’obscurité de son œil inquiet, elle écouta longtemps.

Tout dormait au loin, dans la forêt et le château ; seul le filet d’eau murmurait en courant sur les cailloux.

Alors elle s’enfonça, comme un spectre noir, dans les bois où elle avait passé une heure auparavant.

Elle allait apprendre à Angélique Des Meloises qu’elle n’avait plus de rivale,… mais qu’elle avait à payer le prix du sang.

Elle entra dans la ville aux premières lueurs de l’aube. Un brouillard épais noyait tous les objets : les arbres, les maisons, le fleuve et les rochers, et elle put se rendre sans être vue à la cabane de la mère Malheur.