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le chien d’or

XV.

Angélique écoutait avec terreur. Elle tremblait et cependant désirait en entendre davantage.

— Quoi ! la Corriveau, exclama-t-elle, vous possédez le secret de l’aqua tofana ?… de l’aqua tofana que le monde croyait perdue avec les cendres de ses possesseurs, qui furent brûlés sur la place de Grève, il y a deux générations !

— De pareils secrets ne se perdent jamais ! reprit l’empoisonneuse, ils sont trop précieux. Peu d’hommes, encore moins de femmes refuseraient d’aller écouter aux portes de l’enfer pour les surprendre. Écrivez le secret de la confection de l’aqua tofana sur les lambris des palais, les panneaux des boudoirs, les murs des cloîtres, les planches de la rue, et, pour le lire, le roi superbe, la grande dame, la nonne pieuse, le vil mendiant, monteront s’il le faut, sur un tréteau de feu !… Montrez-moi votre main, Angélique, acheva-t-elle brusquement.

Angélique tendit sa main. Elle la saisit, regarda attentivement ses doigts effilés et sa paume ovale.

— J’en vois assez, reprit la Corriveau, j’en vois assez dans ces splendides mains, pour perdre tout le monde. Vous êtes digne de devenir mon héritière ! de recueillir ma succession maudite ! toute ma science ! toutes mes connaissances ! Ces doigts sont faits pour cueillir le fruit défendu et le présenter aux hommes pour leur malheur. L’occasion seule manque, mais le tentateur n’est jamais loin. Angélique Des Meloises, je vous révélerai peut-être un jour le grand secret, en attendant, je vais vous prouver que je le possède.