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nous occuper. Nous ignorons quel était, dans ces temps reculés, l’état de l’Inde. Les Tubétains n’étaient que des barbares féroces et indépendants, n’ayant aucune espèce de gouvernement, vivant dispersés dans leurs montagnes inaccessibles, et ne présentant point l’ensemble d’une nation. Les nomades Turcs, Mongols et Toungouses, de même que leurs voisins occidentaux, les peuples tudesques et hunniques, se composaient de hordes ne reconnaissant entre elles aucune supériorité, et errant confusément dans de vastes solitudes.

Dans une position centrale entre l’Euphrate et l’Indus, se trouvait l’Irân ou la Perse proprement dite, sur laquelle s’étaient alternativement établies des populations différentes. Il paraît que, sous l’empire assyrien, de nombreuses colonies sémitiques avaient passé l’Euphrate pour s’établir dans l’Irân, ce qui est prouvé par l’histoire et par la grande quantité de mots sémitiques qui se trouvent dans les idiomes de la Perse et de la Médie, Ces mots sont très différents de ceux que les Arabes musulmans y ont introduits plus tard avec la conquête, et leur différence marque clairement les deux mélanges aux deux diverses époques.

On est donc fondé à croire que l’ancienne population de la Perse a été à la fois sémitique et indo-germanique ou japhétique. Sa primitive histoire nous est peu connue, car les Juifs ne nous en ont appris que ce qui a rapport a eux-mêmes ; les Grecs nous en ont dit davantage, mais ils ne s’accordent pas les uns avec les autres ; enfin, les livres persans, qui, sans nous éclairer complètement, auraient pu nous procurer plus de lumières que des traditions étrangères, furent entièrement détruits par l’ardeur dévastatrice des mahométans. Ce ne fut qu’au commencement du onzième siècle que le sulthan Mahmoud de Ghizneh, jaloux d’exécuter un projet formé inutilement par ses prédécesseurs, résolut de faire recomposer les anciennes annales de la Perse, dont quelques fragments épars se trouvaient entre les mains des adorateurs au feu, qui avaient fui dans les montagnes la fureur des musulmans. Ces fragments réunis avaient déjà été confiés, environ un siècle auparavant, au poète Dak’ik’i, pour composer l’une de ces histoires en vers que nous nommons épopées : elle devait s’étendre depuis le commencement de la monarchie persanne jusqu’à Yezdedjerd, dernier roi, chassé par les Arabes, dans le septième siècle de notre ère. La mort empêcha Dak’ik’i d’achever son ouvrage. Un jeune chantre, que l’instinct du talent et de l’ambition avait conduit à la cour de Mahmoud, et qui s’y était rendu fameux par ses vers, eut l’ordre