Page:Kotzebue - Supplement au theatre choisi.djvu/202

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Le Baron.

Ma fille ! je veux bien un instant prendre le ton sérieux et quitter la plaisanterie, quoiqu’au fond tout ceci n’en soit qu’une. Il est temps qu’elle finisse, et que tu rentres en toi-même. Les propos que tu viens de me tenir te feraient rougir, si tu en sentais la conséquence. Tu parles de mari, comme l’on parlerait de l’achat d’un chiffon. Je t’y ai vu, il n’y a pas si long-temps, mettre la même chaleur : mais, mon enfant, cette emplette-ci est d’une nature un peu trop importante, pour ne pas mettre à son acquisition le temps et les réflexions nécessaires. Ce soin m’appartient ; et je m’en charge : tu peux bien t’en fier à ton père, qui est encore plus ton ami. Il ne faut qu’un moment, ma chère Amélie, pour former un pareil lien, et ouvrir, à une vie entière, une source de peines et de regrets. Une condescendance trop aveugle à cet égard de la part des parens, a produit plus de maux qu’une sévérité même injuste. Je ne veux donner dans aucun de ces deux excès : je penserai, je raisonnerai avec toi. Tu m’as fait ton confident ; en cette qualité je veux partager tous tes soucis, toutes tes peines. Avoue que ce secret te pesait violemment sur le cœur. Eh bien, dès ce moment, il va te sembler plus léger : nous serons deux à le porter.

Amélie, se jetant à son col.

Ah mon père ! que ne vous dois-je point !