Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/173

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considérés comme les receveurs responsables des impôts et les représentants des confédérations dans leurs relations administratives et même commerciales avec les Russes. Cela procure à quelques-uns de nombreuses occasions de s’enrichir, tandis que l’appauvrissement du grand nombre coïncide avec l’appropriation des terres bouriates par les Russes. Mais c’est l’habitude chez les Bouriates, particulièrement ceux de Koudinsk — et une habitude est plus qu’une loi — que si une famille a perdu ses bestiaux, les plus riches familles lui donnent quelques vaches et quelques chevaux, afin qu’elle puisse se relever. Quant à l’indigent qui n’a pas de famille, il prend ses repas dans les huttes de ses congénères ; il entre dans une hutte, s’assied près du feu, — par droit, non par charité — et partage le repas qui est toujours scrupuleusement divisé en parts égales ; il dort où il a pris son repas du soir. En général les usages communistes des Bouriates frappèrent tellement les conquérants russes de la Sibérie, qu’ils leur donnèrent le nom de Bratskiye — « Les Fraternels » — et écrivirent à Moscou : « Chez eux tout est en commun ; tout ce qu’ils ont ils le partagent entre eux. » Encore maintenant, chez les Bouriates de la Lena quand il s’agit de vendre du blé ou d’envoyer quelques bestiaux pour être vendus à un boucher russe, les familles de l’oulous, ou de la tribu, réunissent leur blé et leurs bestiaux et les vendent comme un seul tout. Chaque oulous a, de plus, du grain mis en réserve pour prêts en cas de besoin ; il a son four communal (le four banal des anciennes communes françaises) et son forgeron, lequel, comme le forgeron des communes de l’Inde[1], étant un membre de la commune, n’est

  1. Sir Henry Maine, Village communities, New-York, 1876, pp.193-198.