Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/336

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

science n’enseignait-elle pas que depuis que le servage avait été aboli, personne n’était forcément pauvre, sinon par la faute de ses propres vices ? Et combien peu nombreux dans l’Église étaient ceux qui avaient le courage de blâmer les « tueurs d’enfants », tandis que le grand nombre enseignait que les souffrances des pauvres et même l’esclavage des nègres faisaient partie du plan divin ? Le non-conformisme anglais n’était-il pas surtout une protestation populaire contre le dur traitement des pauvres par les représentants de l’Église anglicane officielle ?

Avec de tels conducteurs spirituels, les sentiments des classes riches devinrent nécessairement, comme le fait remarquer M. Plimsoll, non pas tant émoussés que « stratifiés ». Rarement ils se tournèrent vers les pauvres dont les gens aisés sont séparés par leur manière de vivre, et qu’ils ne connaissent pas sous leurs meilleurs aspects, dans leur vie de chaque jour. Mais entre eux — si nous faisons la part des effets de la cupidité et des dépenses futiles imposées par la richesse même — entre eux, dans le cercle de leur famille et de leurs amis, les riches pratiquent la même entr’aide et le même soutien que les pauvres. Le Dr Ihering et L. Dargun ont parfaitement raison en disant que si l’on pouvait dresser une statistique de tout l’argent qui passe de la main à la main sous forme d’aide ou de prêts amicaux, la somme totale serait énorme, même en comparaison des transactions du monde commercial. Et si nous pouvions y ajouter, comme nous le devrions, ce qui est dépensé en hospitalité, en petits services mutuels, sans compter le règlement des affaires d’autrui, les dons et les charités, nous serions certainement frappés de l’importance de tels transferts dans l’économie nationale. Même dans le monde qui est gouverné par l’égoïsme commercial, l’expression courante : « Nous