Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/122

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

faillit vingt fois être tué, malgré les efforts héroïques de Cholat et d’un autre[1] qui le protégeaient de leurs corps. Il leur fut arraché des mains à quelques centaines de pas de l’Hôtel de Ville, et décapité. De Hue, le commandant des suisses, sauva sa vie en déclarant qu’il se rendait à la Ville et à la Nation et en buvant à elles ; mais trois officiers de l’état-major de la Bastille et trois invalides furent tués. Quant à Flesselles, le prévôt des marchands, qui était en relations avec Besenval et la Polignac, et qui avait — à ce qu’il ressort d’un passage d’une de ses lettres — bien d’autres secrets à cacher, très compromettants pour la reine, il allait être exécuté par le peuple, lorsqu’un inconnu le tua d’un coup de pistolet. L’inconnu pensa-t-il que les morts seuls ne parlent pas ?

Dès que les ponts de la Bastille avaient été baissés, la foule, se précipitant dans les cours, s’était mise à fouiller la forteresse pour libérer les prisonniers ensevelis dans les oubliettes. Elle s’attendrissait et versait des larmes à la vue de ces fantômes, sortis de leurs cachots, ahuris par la vue de la lumière et par le son de tant de voix qui les acclamaient ; elle promenait en triomphes ces martyrs du despotisme royal dans les rues de Paris. Bientôt toute la ville fut en délire, en apprenant que la Bastille était aux mains du peuple, et redoubla d’ardeur pour garder sa conquête. Le coup d’État de la Cour était manqué.

C’est ainsi que commença la Révolution. Le peuple remportait sa première victoire. Il lui fallait une victoire

  1. N’était-ce pas Maillard ? On sait qu’il avait arrêté de Launey.