Page:Kropotkine - Mémoires d’un révolutionnaire.djvu/19

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dans son livre : il ne fut jamais un vengeur, mais toujours un martyr.

Il n’impose pas de sacrifices aux autres ; il les réserve pour lui. Toute sa vie il a agi ainsi, mais jamais les sacrifices ne semblent lui avoir coûté, tant il en fait peu de cas. Et avec toute cette énergie, il est si loin d’être vindicatif qu’à propos d’un répugnant docteur de sa prison il se contente de dire : « Moins on parlera de lui, mieux cela vaudra. »

C’est un révolutionnaire sans emphase et sans emblème. Il rit des serments et des cérémonies par lesquels se lient les conspirateurs dans les drames et les opéras. Cet homme est la simplicité en personne. Sous le rapport du caractère il peut soutenir la comparaison avec tous ceux qui ont lutté pour la liberté. Aucun n’a été plus que lui désintéressé, aucun n’a aimé l’humanité plus que lui.

Mais il ne permettrait point d’inscrire au frontispice de son livre tout le bien que je pense de lui, et si je lui faisais, je dépasserais les limites d’une préface raisonnable.

Georges Brandès.