Page:Kropotkine - Mémoires d’un révolutionnaire.djvu/253

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C’est ce travail que je considère comme ma principale contribution à la science. Ma première intention était de produire un gros volume où l’exposé de nouvelles idées sur les montagnes et les plateaux de l’Asie septentrionale se serait appuyé sur un examen détaillé de chaque région. Mais en 1873, quand je vis que je serais bientôt arrêté, je me contentai de préparer une carte dessinée d’après mes vues, et j’écrivis un aperçu explicatif. La carte et l’aperçu furent publiés par la Société Géographique, sous la direction de mon frère, au moment où j’étais déjà enfermé dans la forteresse de Saint-Pierre et Saint-Paul. Petermann, qui préparait alors une carte de d’Asie et avait connaissance de mon travail préliminaire, adopta mon système pour sa carte, et il a été accepté depuis par la plupart des cartographes. La carte d’Asie, comme elle est comprise aujourd’hui, explique, je crois, les principaux traits physiques du grand continent, ainsi que la distribution des climats, des faunes et des flores et même son histoire. Elle révèle aussi, comme je pus le constater durant mon dernier voyage en Amérique, des analogies frappantes entre la structure et l’évolution géologique des deux continents de l’hémisphère boréal. Un bien petit nombre de cartographes pourraient dire aujourd’hui d’où sont venus tous ces changements dans la carte d’Asie ; mais dans toutes les choses de la science, il vaut mieux que les idées nouvelles fassent leur chemin indépendamment d’un nom qui y serait attaché. Les erreurs, qui sont inévitables dans une première théorie, sont ainsi plus faciles à corriger.

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A la même époque, je travaillais beaucoup pour la Société de Géographie de Russie, en qualité de secrétaire de la section de géographie physique.

On prenait alors beaucoup d’intérêt à l’exploration du Turkestan et du Pamir. Siévertsov revenait à ce moment d’un voyage qui avait duré plusieurs années. Grand zoologiste, géographe bien doué, l’un des hommes les plus intelligents que j’aie jamais rencontrés, il n’aimait