Page:Kropotkine - Mémoires d’un révolutionnaire.djvu/330

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liberté individuelle après des luttes rudes et acharnées. Elles cherchaient alors à l’utiliser, non pour leur satisfaction personnelle, mais pour apprendre au peuple la science qui les avait émancipées.

Das chaque ville russe, dans chaque quartier de Pétersbourg, des petits groupes de jeunes gens se constituaient pour se former et s’instruire mutuellement. Les œuvres des philosophes, les écrits des économistes, les recherches de la jeune école historique russe étaient lus dans ces cercles, et ces lettres étaient suivies de discussions interminables. Le but de toutes ces lectures et de toutes ces discussions était d’aboutir à la solution de cette grande question qui dominait toutes les autres : comment les jeunes gens pourraient-ils devenir utiles aux masses ? Peu à peu ils en venaient à cette idée que le seul moyen était de s’établir parmi les gens du peuple et de vivre leur vie. Des jeunes gens allaient alors se fixer dans les villages comme médecins, aide-médecins, instituteurs, scribes, et même comme agriculteurs, forgerons, bûcherons, etc. et ils essayaient de vivre là en contact intime avec les paysans. Des jeunes filles passaient leurs examens d’institutrice, apprenaient le métier de sages-femmes et de gardes-malades et se rendaient par centaines dans les villages, se dévouant corps et âme à la partie la plus pauvre de la population.

Ils y allaient sans même avoir un idéal quelconque de reconstitution sociale et la moindre pensée révolutionnaire ; mais purement et simplement pour enseigner à lire à la masse des paysans, pour les instruire, leur prêter leur assistance médicale ou les aider d’une façon ou d’une autre à sortir de leurs ténèbres et de leur misère, et en même temps, apprendre de ces masses ce qui était leuridéal populaire d’une vie sociale meilleure.

A mon retour de la Suisse, je trouvai ce mouvement en plein essor.

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Je m’empressai naturellement de faire part à mes amis de mes impressions sur l’Association Internationale des