Page:Kropotkine - Mémoires d’un révolutionnaire.djvu/342

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

orthodoxes, ne font que donner au mouvement une force qu’il ne pouvait avoir il y a vingt-cinq ans.

* * *

Comme la question d’une agitation dans le but d’obtenir une constitution était toujours soulevée dans nos discussions, je proposai une fois à notre cercle de l’examiner sérieusement et de s’entendre sur un plan d’action approprié. J’étais déjà d’avis que lorsque le cercle décidait quelque chose à l’unanimité, chaque membre devait mettre de côté tous ses sentiments personnels et consacrer toutes ses forces à l’objet de cette décision. « Si vous décidez de faire de l’agitation pour obtenir une constitution, disais-je, voici mon plan : je me séparerai de vous, pour sauver les apparences, et je ne conserverai de relations qu’avec un seul membre du cercle, — par exemple Tchaïkovsky — je saurai par lui les résultats de votre agitation et je pourrai vous faire savoir d’une façon générale ce que je ferai moi-même. Mon rôle consistera à travailler les gens de la Cour et les hauts fonctionnaires. J’ai parmi eux de nombreuses connaissances et je connais un certain nombre de personnes qui sont dégoûtées du régime actuel. Je les rapprocherai, je les unirai, si cela est possible, en une sorte d’organisation et alors, une occasion se présentera certainement un jour d’opérer avec ces forces réunies une pression sur Alexandre II et de l’amener à donner une constitution à la Russie. Il viendra certainement un temps où tous ces gens, sentant qu’ils sont compromis, feront dans leur propre intérêt un pas décisif. Si cela est nécessaire, quelques-uns d’entre nous, qui ont été officiers, pourraient nous être d’un grand secours en étendant la propagande parmi les officiers de l’armée ; mais cette action doit être absolument indépendante de la propagande parmi les ouvriers, tout en se produisant simultanément. J’ai sérieusement réfléchi à cela. Je connais bien mes relations et je sais ceux en qui je puis avoir confiance ; je crois même que quelques-uns des mécontents ont déjà jeté les yeux sur moi, comme le centre