Page:Kropotkine - Mémoires d’un révolutionnaire.djvu/527

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façon admirable et de ses travaux. Il me recommandait expressément de suivre avec attention le développement scientifique de l’Italie, où l’on faisait des recherches excellentes et originales, qui restaient inconnues du monde scientifique tant qu’elles n’avaient pas été reprises et estampillées par les Allemands. Il me donnait aussi ses opinions sur la marche probable des événements politiques en Russie. Il ne croyait pas à la possibilité de l’établissement en Russie, dans un avenir prochain, d’un gouvernement constitutionnel sur le modèle des parlements de l’Europe occidentale. Mais il aurait voulu la convocation d’une sorte d’assemblée nationale délibérative (Zemski-Sobor ou Etats Généraux) et cela lui paraissait suffisant pour le moment. Cette assemblée ne voterait pas de nouvelles lois, mais elle préparerait des projets de lois, auxquels le pouvoir impérial et le Conseil d’État donneraient une forme définitive et une sanction finale.

Il m’entretenait avant tout de ses travaux scientifiques. Il avait toujours un goût décidé pour l’astronomie et lorsque nous étions à Pétersbourg il avait publié en russe un excellent résumé de toutes nos connaissances sur les étoiles filantes. Avec la finesse de son esprit critique il saisit bientôt les points forts et les points faibles des différentes hypothèses. Sans avoir des connaissances suffisantes en mathématiques, il réussissait, grâce à sa puissante imagination, à comprendre les résultats des problèmes de mathématiques les plus compliqués. Vivant avec son imagination parmi les corps célestes en mouvement, il se représentait leurs évolutions complexes souvent mieux que certains mathématiciens, surtout les algébristes purs — parce que ceux-ci perdent souvent de vue les réalités du monde physique pour ne voir que les formules et les conséquences logiques qui en découlent. Nos astronomes de Pétersbourg me parlaient avec une grande estime de cet ouvrage de mon frère. Il avait entrepris maintenant d’étudier la structure de l’univers : d’analyser les données et les hypothèses relatives aux mondes des soleils, des groupes d’étoiles et