Page:Kropotkine Champs, usines et ateliers.djvu/49

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ment tente aujourd’hui l’alliance de la science et du travail manuel, la Russie verrait sa puissance productive se décupler. Dans le domaine industriel elle farà da sè. Elle fabriquera tout ce dont elle a besoin, tout en restant une nation agricole.

Sur les 112 millions d’habitants de la Russie d’Europe proprement dite, il n’y en a, à présent, qu’un million et demi qui travaillent dans les usines et manufactures, et 7 millions et demi associent le travail agricole au travail industriel. Ce chiffre triplerait que la Russie ne cesserait pas d’être une nation agricole ; mais s’il triplait, il n’y aurait plus lieu d’importer d’objets fabriqués, car une nation agricole peut les produire à meilleur compte que les pays qui vivent de matières alimentaires achetées à l’étranger. N’oublions pas qu’un million d’hommes, femmes et enfants, dont moins de 300.000 sont des hommes adultes, fabriquent tous les textiles produits en Angleterre, en Écosse et en Irlande ; que ces travailleurs font marcher 53.000.000 de broches et plus de 700.000 métiers dans l’industrie du coton seulement, et que le Royaume-Uni produisait pendant ces dernières années une quantité si formidable de textiles de toute sorte, qu’on évaluait sa production annuelle à plus de 6 milliards, dont plus de 3 milliards étaient exportés[1].

  1. Voici les chiffres officiels qui viennent d’être publiés pour l’année 1906 : — Dans toute l’industrie du coton ne travaillent que 220.563 hommes (y compris les garçons), 262.245 femmes et 90.061 jeunes filles de moins de 18 ans. La production est comme suit : Cotonnades grises et blanchies, 5.870.679.600 mètres ; en couleurs, 556.222.900 mètres (soit, environ 146 mètres par habitant du Royaume-Uni) ; filés, 683.749.000 kilogrammes. Valeur totale du produit, 4.446.350.000 francs. Soit 11.219 mètres de cotonnades et 1.194 kilogrammes de filés produits par chaque ouvrier, Pour les laines (worsted compris) : 112.438 hommes et garçons, 111.492 femmes et 34.087 jeunes filles. Valeur de la production (incomplet), 1.531.250.000 francs. — Pour montrer jusqu’à quel point on se rend généralement peu compte de la productivité moderne du travail humain, il suffira de rappeler que les économistes marxistes russes affirmaient tout récemment encore qu’il fallait « prolétariser » la masse des paysans russes pour développer en Russie la grande industrie. Or, si le quart seulement du surcroît numérique annuel de la population paysanne de la Russie pouvait se diriger vers l’industrie, au bout de vingt ans la Russie ne saurait plus que faire de ses produits. Elle devrait avoir pour elle seule le marché des Indes ou bien même celui de la Chine.