Page:L'Humanité nouvelle, année 2, tome 1, volume 2.djvu/144

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

nombre de membres étroitement associés, prospèrent le mieux et mènent à bien la plus riche progéniture. »[1]

Mais que de prétendus « darwinistes » voulurent ignorer complètement tous les faits d’entr’aide et se prirent à vociférer avec une sorte de rage, comme si la vue du sang les excitait au meurtre : « Le monde animal est une arène de gladiateur ; … toute créature est dressée pour le combat. »[2] Et sous le couvert de la science, combien de violents et de cruels se trouvèrent du coup justifiés dans leurs arts d’appropriation égoïste et de conquête brutale ; tout joyeux d’être parmi les forts, que de fois n’ont-ils pas poussé le cri de guerre contre les faibles : « Malheur aux vaincus ! »

Sans doute, le monde présente à l’infini des scènes de lutte et de carnage parmi les êtres qui vivent sur le globe, depuis les graines en conflit pour la dispute d’une motte de terre et les œufs de poissons se disputant la mer, jusqu’aux armées en bataille s’exterminant avec fureur par l’acier, les balles et les obus. Mais les tableaux opposés sont bien autrement nombreux, car sans l’entr’aide la vie même serait impossible. Puisque les plantes, les animaux, les hommes ont réussi à se développer en tribus, en peuples immenses et que chaque être particulier parcourt un espace de vie durant des jours, des mois ou des années, c’est que les éléments d’accord l’ont emporté sur les éléments de lutte. Ce simple « bon jour » ou « bon matin », que dans tous les pays du monde on échange sous les formes les plus diverses, indique un certain accord entre les hommes, provenant d’un sentiment au moins rudimentaire de bonne volonté à l’égard les uns des autres[3]. Un proverbe arabe l’exprime de la manière la plus noble : « Un figuier regardant un figuier apprend à porter des fruits. » Il est vrai qu’un autre dicton limite cette bonne volonté aux membres d’une même tribu ou d’une même nation : « Ne regarde pas le dattier, dit l’Arabe, ne le regarde pas, car il ne parle pas à l’étranger. »

Les exemples d’aide mutuelle parmi les animaux, cités dans les ouvrages des naturalistes, sont innombrables et il n’en est pas un seul qu’on ne puisse retrouver sous des formes peu différentes parmi les hommes[4]. Les fourmis et les abeilles

  1. Descent of Man, 2e édit. p. 163.
  2. Huxley, Struggle for Existence, and its bearing upon than.
  3. Patrick Geddes, Evergreen, p. 30.
  4. Pierre Kropotkin, Mutual Aid Among the Animals, Nineteenth Century, sept. dec. 1890.