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AOUT-SEPTEMBRE 1914

— Chacun s’héroïse. Je n’ose pas dire à une proche parente que son mari ne court aucun danger. Car il me démentira à son retour des armées.

— Curieux tableau d’Arcachon où les blessés occupent la terrasse d’un fastueux hôtel, juste au-dessus d’une plage grouillante de petits enfants.

Mme X… veut qu’on ne pleure pas ceux qui partent et qu’on plaigne au contraire ceux qui sont ajournés, exemptés, etc.

— On se signale, de ville à ville, une auto qui emporte deux bombes. Ce sont des bouteilles à air liquide pour gonfler les pneus !

— M. Thomson va voir Lille, Arras, Lens, qui ont été occupés au début de septembre. Il en rapporte particulièrement le souvenir de la folle audace du lieutenant allemand Von Oppel qui, avec quelques hommes, a terrorisé et voulu taxer ces villes.

— Les journaux publient des lettres du front. Mais on en lit d’autres qui ne sont pas si claironnantes, où l’auteur prend conscience de la valeur de la vie, regrette les querelles familiales, s’émeut sur des souvenirs menus et précieux, avoue des tendresses tenues cachées. Un ami écrit : « Adieu, petit. Je t’embrasse comme je t’ai aimé. »

— À opposer à d’indéniables cruautés : des majors allemands assistent des femmes en couches.

Mme Marcelin Pelet, fille de Scheurer-Kestner, femme de notre ministre à La Haye, conte son voyage de Thann à La Haye au début d’août (du 1er au 3). Elle dit l’Alsace vide, la gare de Strasbourg littéralement déserte et, peu à peu, à mesure qu’elle remontait vers le Nord, la mobilisation toute prête.

— Il est singulier que la mentalité guerrière admette l’homme qui se constitue prisonnier, puisqu’en somme il a préféré la vie à la mort.