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L’ENVERS DE LA GUERRE

demanda au chauffeur le nom de la personne qui s’en servait. Il lui nomma une actrice.

— Il est impossible d’exprimer des sentiments humains.

— M. Marcelin Pelet dit de bonne foi que les prisonniers allemands sont des lâches. Et il m’apprend qu’il a été prisonnier en 1870.

— Oh ! ce goût du « qu’en dira-t-on », qui pousse tous les gens à se vêtir d’un uniforme. Après Loti, c’est Anatole France qui veut s’engager, à 71 ans.

— Il est comique de penser qu’un général républicain est une exception en République. Voit-on un général allemand dont on murmurerait : « On dit qu’il est impérialiste ! »

— Quelle énorme comédie ce serait, si ce n’était pas un drame.

— Briand, ministre de la Justice, raconte que le directeur des affaires criminelles, voulant faire exécuter trois condamnés à mort, insiste sur le caractère exemplaire de l’exécution. Et Briand lui réplique : « Qu’est-ce que c’est que cela, trois morts ! Et qu’est-ce que c’est que la guillotine à côté du 75 ! »

— Briand parle d’ailleurs de la guerre avec cette blague spirituelle qui est dans sa nature. Il dira que le soldat est perdu pour toujours parce qu’on lui a appris la propreté. Il racontera son avancement rapide, quotidien, au début de la guerre, où il passe de simple soldat à lieutenant porte-drapeau. Barthou est promu aux mêmes honneurs et ils s’interrogent sur leurs fonctions toutes fraîches : « Ce drapeau ? Ce n’est pas trop lourd ?… Dans le vent ? »

Il dit aussi qu’au transfert de la prison de Saint-Quentin, il y eut un condamné à mort qui, loin de