Page:L'envers de la Guerre - Tome 1 - 1914-1916.djvu/40

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champagne et se défiait de ses voisins de table. Un commandant allemand, dans le même esprit, monta déguster dans sa chambre, pendant le repas commun, une cervelle — pas humaine — qu’il s’était fait cuire. Puis il redescendit à table.

Les femmes un peu violentées n’aimeraient point à le raconter, d’après Briand. Il ajoute qu’elles ne paraissent pas autrement fâchées, ni anxieuses d’une autre invasion.

— Parmi les ministres, c’est à qui ira le plus près du feu. C’est un concours crâne et intéressé.

— Nous croisons un régiment. La classe 1914. Des têtes de vingt ans. C’est à pleurer. Et on a le sentiment que c’est de la foule anonyme, du troupeau, un chiffre, pour ceux qui en disposent. L’individualisme est mort pour un temps. Ah ! comme on comprend la joie des réactionnaires !

— Le romancier Romain Rolland, réfugié en Suisse, relève, dans une feuille de ce pays, que les journaux ne notent que la férocité, la haine. Jamais ils ne retiennent les traits de générosité mutuelle, de bienveillance relative. Et leurs excitations font, par contre-coup, de nouvelles victimes.

— À Lormont, près Bordeaux, un poste arrête notre auto. Ces hommes ont déjà tué deux passants qui n’obéissaient pas assez vite. Le caporal dit : « Vous seriez le président de la République que vous ne passeriez pas. » Il paraît qu’on vient de changer la forme des sauf-conduits depuis la veille. Que de zèle perdu ! Plus on descend dans le Midi, plus on est opprimé par le militaire. Briand dit : « Marseille est en état de guerre. »

— Briand, devant qui on vante les exploits au couteau des Indiens Gurkas, réclame ironiquement quelques anthropophages aux armées.