Page:Léon Daudet - Souvenirs des milieux littéraires, politiques, artistiques et médicaux (I à IV).djvu/142

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tumulte serait pire encore et je ne conseille pas à la tournée, si tournée il y a, de s’aventurer jusque dans nos parages. Cela aboutirait certainement au désastre.

— Mais enfin, Timoléon, tu dois convenir que cela est beau dans son genre.

— Possible, mon enfant, que le charnier vous plaise, à tes amis et à toi. Je t’avoue qu’à mon âge je préfère autre chose à ces anecdotes de servante enceinte et qui sert à table en se comprimant l’abdomen. Il y a là, comme convives, des enfants, ce qui a encore ajouté à mon malaise. Bref, je ne sais trop ce que je vais pouvoir lui dire, à ce cher monsieur de Goncourt. Je me rattraperai sur le décor du cimetière sous la neige, qui m’a paru assez typique, bien que peu réjouissant.

À la maison, une autre surprise attendait Timoléon. La première personne qu’il rencontra lui dit « bonsoir, monsieur Zeller ». La seconde lui demanda des nouvelles de sa fille. Or il était célibataire et sans enfants. Puis une demi-douzaine d’invités lui parlèrent encore de M. Zeller. On le confondait avec le vieil universitaire de ce nom, ami de Goncourt, absent ce soir-là, et qui d’ailleurs ne ressemblait guère à Tim. Je lui promis bien qu’en revanche, la première fois que je rencontrerais M. Zeller, je l’appellerais « mon cher Timoléon ». L’occasion ne s’est pas présentée, par la faute de M. Zeller qui est mort.

Ces soupers d’après la première, qui n’auraient plus de raison d’être, aujourd’hui que c’est la répétition générale la vraie première, étaient tantôt gais, tantôt sinistres, suivant le sort de la pièce. Celui de Germinie Lacerteux fut quelconque. On voulait féliciter l’auteur, qui avait écrit une belle œuvre, et on ne pouvait nier l’évidence. Il fallut se rabattre sur l’indignité de la critique et l’incompréhension des philistins.

— Ce Sarcey est un triple idiot.

— C’est un sous-Besson. Il déclarait dans les couloirs qu’il ne comprenait pas un mot.

— Ce n’est pas étonnant, il a tout le temps les doigts dans son nez.

Besson était un gros bonhomme stupide, qui pontifiait à l’Événement, alors assez lu.

— Bauer — le critique illettré de l’Écho de Paris — sera très