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CHAPITRE II
LE SALON DE MADAME DE LOYNES
(suite)


Syveton. — Dausset. — Michel Pelletier. — Gérôme. — Roujon.
Delafosse. — Stéphen Liégeard. — Ségur.
Discussions artistiques, académiques et littéraires. — Étienne Lamy.
Le « pauvre vicomte ». — Georges Thiébaud. — Ernest Judet.



La devise de Mme de Loynes, gravée sur son papier à lettres, la peignait : Je ne crains que ce que j’aime. De femme ou d’homme plus naturellement brave qu’elle, plus solidement trempé, cédant moins aux suggestions de la crainte ou de la paresse, je n’en ai pas connu. Frêle et délicate comme une fleur, au physique, craignant la fatigue et les courants d’air, le changement d’heures des repas, les disputes à table et les effets de la médisance, elle eût affronté tous les périls et tous les démons « pour la cause du pays », comme elle disait. Bien qu’appartenant, par ses goûts et ses habitudes, à la génération du second Empire, elle avait tiré la leçon de la guerre de 70-71, comme elle tirait la leçon de tout. Car elle n’avait cessé de perfectionner, avec les années, son art d’observer et son penchant politique. Jamais elle ne lâchait un partisan, ni un ami. Jamais elle ne le laissait attaquer, absent, devant elle. Jamais elle n’oubliait un service rendu, ni un affront. Jamais elle ne cédait au malin plaisir de dénigrer les travers d’un homme utile ou dévoué, le physique d’une amie fidèle. Jalouse en amitié et passionnée dans ses sympathies, elle poussait en avant ceux qu’elle aimait, cherchant à leur faire donner le plein de leurs qualités et de leur activité. Elle prenait les timides par la main, elle réprimait doucement les audacieux,