Page:Léon Daudet - Souvenirs des milieux littéraires, politiques, artistiques et médicaux (I à IV).djvu/544

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remarque pas l’analogie de sa notoriété d’antan et de la peau de chagrin.

Ce pontife de néant possède à la fois la manie et la déveine de la prédiction. Il fait la pige au Vieux Major. Or, régulièrement, les événements sont au rebours de ce qu’il avait annoncé, les circonstances renversent son trépied. Il y aurait un recueil douloureusement comique à faire aujourd’hui de ses articles sur l’équilibre européen depuis vingt ans. Mais qui remuerait un pareil fatras ? Les raisonnements s’embrouillent dans sa faible cervelle, comme les syllabes dans son discours, comme les phrases sur son papier. Il est confondant de songer qu’un semblable hurluberlu a pesé à un moment donné, pour si peu que ce fût, dans les destinées du pays.

J’entends la voix de l’indulgent Lemaître me crier d’outre-tombe : « Voyons, Léon, il a tout de même rendu autrefois quelques services. Rappelez-vous ! »

C’est juste. Néanmoins, de combien de gaffes désastreuses n’a-t-il pas fait payer les dits services ! Mais c’est ici une autre histoire, que je conterai une autre fois.