Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/206

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volution française n’a donc pas éclaté « comme un coup de tonnerre dans un ciel serein ». Jamais révolution ne fut moins imprévue. Loin de s’affaiblir, le grand mouvement d’idées qui avait agité l’Europe depuis cinquante ans allait s’étendant et se renforçant. Déjà l’on ressentait les premières secousses, signes certains d’un bouleversement inévitable.

En France surtout une révolution paraissait imminente. Nulle part les idées nouvelles n’avaient trouvé un terrain aussi favorable : l’unité nationale dès longtemps accomplie, la masse nationale presque homogène et pénétrée de l’esprit d’une littérature classique. Nulle part ces idées n’avaient été exprimées avec autant de bonheur, répandues avec autant de zèle, popularisées enfin au point de séduire ceux mêmes dont elles menaçaient la situation privilégiée. Moins profondément remués, les pays voisins n’étaient pas restés étrangers à ce mouvement. L’Allemagne aussi était sourdement travaillée ; mais les idées nouvelles pouvaient-elles s’y propager et s’emparer des esprits comme en France ? Le morcellement politique du pays leur opposait une infinité de barrières.

Qui donc songeait alors à une rénovation politique de l’Allemagne ? À peine quelques voix isolées se font entendre, et elles ne trouvent point d’écho. Elles expriment surtout des plaintes et des regrets, elles ne savent ou du moins elles n’indiquent aucun remède à la situation présente. « Nous sommes un peuple, écrit K.-F. von Moser[1], qu’unit la communauté de nom et de langue ; nous avons un même

  1. K. Fn. von Moser. Vom deutschen Nationalgeist (1765).