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pris en lui-même, mais comme des apparences dues à la différence de capacité des êtres qui peuvent le recevoir[1].

Néanmoins on voit le même Origène se méfier de l’hellénisme et surtout du platonisme. « Tous ceux qui reconnaissent une providence, dit-il, confessent un Dieu inengendré qui a tout créé ; que ce Dieu ait un fils, nous ne sommes pas seuls à le proclamer, bien que cela ne paraisse pas croyable aux philosophes grecs ou barbares ; et pourtant quelques-uns d’entre eux ont cette opinion, quand ils disent que tout a été créé par le Verbe et la Raison de Dieu. Mais nous, c’est selon la foi d’une doctrine divinement inspirée que nous y croyons… Quant au Saint Esprit, nul n’en a eu le moindre soupçon que ceux qui connaissent la Loi et les prophètes, ou bien croient au Christ[2]. » On voit ici les limites exactes de l’hellénisme, auquel la foi chrétienne vient se superposer sans le détruire. Mais à côté de vérités partielles, l’hellénisme contient aussi des erreurs soit sur la nature du monde, soit sur celle de l’âme. Le monde sensible n’est plus du tout, chez Origène, un ordre imitant un modèle intelligible : d’abord le monde des idées n’existe que dans la seule fantaisie de l’esprit, et l’on ne voit pas comment le Sauveur pourrait en provenir, ni les saints y séjourner[3]. De plus, Dieu n’a créé d’abord que des êtres raisonnables égaux ; mais ces créatures sont douées de libre arbitre et peuvent déchoir ; de là vient la diversité des âmes ; à cette diversité correspond celle des corps qui n’ont pas une existence absolue, mais naissent par intervalle en raison des mouvements variés des créatures raisonnables, qui en ont besoin et qui en sont revêtus[4]. Enfin, Origène ne croit pas qu’il puisse exister des âmes créées complètement privées de corps ; Dieu seul est incorporel ; il faut dire seulement que le corps se modifie en dignité et en perfection, en correspondance constante avec la dignité et la perfection de l’âme.


VI. — Le Christianisme en Occident au ive siècle.


Des chrétiens moins attachés que Clément et Origène à la civilisation hellène appuyaient encore sur l’impossibilité d’accorder

  1. Contre Celse, liv. IV, chap xviii.
  2. Des Principes, liv. I, 3, 1.
  3. Des Principes liv. 3, 5.
  4. Des Principes, II, 9, 5 ; IV, 4, 8.