La philosophie — celle du passé, les grands systèmes métaphysiques — devenait donc un document révélateur de l’esprit, au même titre que la science, que l’art, que la religion, que le droit, dont d’ailleurs elle était solidaire. La métaphysique schellingienne ou hégélienne exprimait pour Dilthey un aspect de l’âme humaine au même titre — ou presque — que la poésie de Gœthe ou la musique de Beethoven. Et même, document réfléchi, systématique, conscient, déjà ordonné et organisé par la pensée, le système métaphysique était un document d’une valeur bien plus grande encore que le document plus directement expressif de l’art et de la vie. « Le système d’un métaphysicien est une révélation unilatérale, mais sincère », écrit Dilthey. C’est même cette unilatéralité qui fait sa valeur principale elle nous révèle l’irréductibilité et l’incompatibilité des aspects, attitudes, structures spirituelles de l’âme.
Dilthey croyait (et ceci étonne un peu, ne s’accordant pas très bien avec sa conviction de l’inépuisable fécondité de ce fond obscur de vie qui supporte les créations de l’esprit et s’exprime en elles) que les aspects et les attitudes essentielles de l’âme humaine pouvaient être classés et réduits à un certain nombre de schémas ; que l’âme humaine possédait quelques structures typiques, dont l’analyse permettait de retrouver les éléments.
Il croyait aussi que c’est l’étude des philosophies (métaphysiques) qui nous renseigne le mieux sur ces structures typiques. Et c’est pourquoi, à l’heure présente, la tâche du philosophe se réduisait presque pour Dilthey à faire de la « philosophie de la philosophie » et c’est à cette analyse, et au classement des types de conception du monde ou mieux, d’attitudes envers le monde dont cependant mieux que quiconque il connaissait le caractère provisoire, que sont consacrées les deux études que contient le dernier volume des Œuvres complètes de Dilthey.
Informations
Nous apprenons avec plaisir la prochaine apparition, à la librairie Boivin, des Recherches Philosophiques, recueil annuel dirigé par MM. Koyré, Puech et Spaier.
