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Pour A', la surface d’onde n’est pas formée par les points B1, B2… mais par des points B1, C, D, qui, vus de A, sont sur des surfaces d’onde différentes. Alors rien n’empêche ces points de former pour A' une surface d’onde puisque cette surface n’est qu’une structure imposée par définition à une région de l’espace remplie de lumière. L’affirmation que la lumière se propage toujours avec la même vitesse en tous sens dans des systèmes dont l’état de mouvement est différent — et c’est là le sens que nous donnons au mot « ondes sphériques » — est donc parfaitement intelligible si nous entendons par simultanéité quelque chose de différent pour les différents systèmes.

C’est sur ce point que se concentre le problème philosophique du temps. Devons-nous renoncer à la signification absolue de la simultanéité ? Une chose est claire si nous y renonçons, l’expérience de Michelson cesse d’être incompréhensible, la lumière peut avoir la même vitesse dans les deux systèmes. Les faits physiques reprennent une parfaite harmonie si nous renonçons à cette hypothèse. Mais pouvons-nous y renoncer ? Je crois qu’il vaut mieux retourner la question pourquoi ne le pourrions-nous pas ? Qu’est-ce qui nous empêche de modifier nos idées de façon qu’elles s’adaptent le mieux possible aux faits ? Voyons cette question d’un peu plus près.

Voici une première objection. La relativité de la simultanéité constitue une contradiction logique, car dire que l’événement E1 est simultané avec l’événement E2, c’est justement dire qu’ils n’ont pas lieu en des temps différents, et si Einstein considère cette dernière affirmation comme aussi justifiée que la première, c’est un pur paradoxe.

Il y a des philosophes pour qui ce raisonnement suffit à prouver que la théorie du temps d’Einstein est fausse. Ils auraient raison si les déductions d’Einstein entraînaient véritablement une contradiction avec la logique, avec l’axiome A n’est pas non A. Car les fondements de la logique ne peuvent être ébranlés par aucune théorie physique. Mais ces philosophes se trompent complètement dans l’interprétation du paradoxe indiqué plus haut. Celui-ci n’entraîne, en effet, de contradiction par rapport à la logique que si l’on considère comme démontré ce qu’il s’agit de démontrer, savoir que la simultanéité est un concept absolu. Si la simultanéité est un concept relatif, l’affirmation « E1 est simultané avec E2 » contredit tout aussi peu