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L’ŒUVRE DE GIORGIO BAFFO


Tels vont à certaine porte, dedans et dehors ;
Tels montent pour manger, tels descendent pleins,
Tels jouent, mangent, boivent, pissent et jouissent.

De cette façon se passent d’heureux jours
Et quand on est là, il me semble
Qu’en tel centre se trouvent les vrais biens ;

La plupart de ces choses on peut les faire ailleurs,
Mais si nous réfléchissons à telle ou telle,
Nous verrons qu’elles manquent souvent.

De leur nature toutes sont belles,
Mais leur goût a autant de différence
Qu’il y en a entre l’esturgeon et la sardine.

Ah ! cette licence permise aux masques,
Le sans-gêne, la liberté,
Dont on jouit là, en bonne conscience,

Font que tout y plaît beaucoup plus,
Si bien que, pour ne pas aller à l’osteria,
Je ne voudrais être Sa Sainteté.

À quoi sert de manger avec un grand luxe
Dans des assiettes d’argent et des plats d’or,
Si l’on ne mange pas avec plaisir ?

Quand vous êtes las, c’est un bon gîte,
Et en voyage, quand on arrive à l’osteria,
Il semblerait qu’on ait trouvé quelque trésor.

Toutes les facultés jouissent : l’intellective
En songeant que tout de suite on aura à manger,
Et en mangeant, jouit la sensitive ;