Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/121

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dicité. Polinesso avait la réputation d’un homme cruel, orgueilleux, inique et trompeur, si bien qu’à personne il ne paraît extraordinaire qu’une semblabie fourberie ait été ourdie par lui.

L’air consterné, le cœur tremblant, le visage pâle, Polinesso attend, et au troisième son de la trompette, il met sa lance en arrêt. De son côté, Renaud se lance contre lui, et, désireux d’en finir, il le vise de façon à lui transpercer le cœur avec sa lance. L’effet suit de près le désir, car il lui plonge la moitié du fer dans la poitrine.

La lance fixée dans le corps, Polinesso est jeté à plus de six brasses loin de son destrier. Renaud saute promptement à terre, et, avant qu’il puisse se relever, lui saisit le casque et le délace. Mais celui-ci, qui ne peut plus continuer le combat, lui demande merci d’un air humble, et confesse, devant le roi et la cour qui l’entendent, la fraude qui l’a conduit à la mort.

Il n’achève pas ; au milieu de ses aveux, la voix et la vie l’abandonnent. Le roi, qui voit sa fille sauvée de la mort et de l’infamie, joyeux et consolé, est plus heureux que si, après avoir perdu sa couronne, il se la voyait rendre. Il glorifie uniquement Renaud puis, après l’avoir reconnu dès que celui-ci a ôté son casque — car il l’avait vu plusieurs fois déjà — il lève les mains au ciel, et remercie Dieu de lui avoir envoyé ainsi à temps un tel défenseur. Quant à l’autre chevalier inconnu qui avait secouru Ginevra dans sa triste situation, et avait combattu