Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/133

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forçait de me rassurer, et pendant tout ce jour et la nuit suivante elle me tint sur ce monstre au milieu de la mer,

« Jusqu’à ce que nous arrivâmes à cette belle île, dont Alcine possède une grande partie. Elle l’a usurpée sur une de ses sœurs, à qui leur père l’avait entièrement laissée en héritage parce qu’elle était sa seule enfant légitime. Les deux autres, à ce que m’a dit depuis quelqu’un qui en était pleinement instruit, sont nées d’un inceste.

« Et de même qu’elles sont iniques et pleines de scélératesse et de vices infâmes, leur sœur, qui vit chaste, a dans son cœur toutes les vertus. Les deux autres se sont liguées contre elle, et déjà plus d’une fois elles ont levé une armée pour la chasser de l’île, et lui ont, à diverses reprises, enlevé plus de cent châteaux.

« Et celle-ci, qui s’appelle Logistilla, ne posséderait plus un pan de terre, si elle n’avait pour frontières, d’un côté un golfe, de l’autre une montagne inhabitée, de même que l’Écosse et l’Angleterre sont séparées par une montagne et une rivière. Cependant ni Alcine ni Morgane n’abandonnent l’espérance de lui enlever ce qui lui reste.

« Ce digne couple étant pétri de vices, la hait précisément parce qu’elle est chaste et sage. Mais, pour revenir à ce que je te disais, et t’apprendre comment, par la suite, je devins une plante, sache qu’Alcine me retenait dans de grandes délices, et brûlait tout entière d’amour pour moi. D’une