Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/150

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délices et de beauté ; il s’élance du lit, saisit Alcine dans ses bras, et ne peut attendre qu’elle se soit dépouillée de ses vêtements,

Bien qu’elle n’ait ni robe ni panier, et qu’elle soit venue à peine couverte d’un léger manteau jeté sur une chemise blanche et fine au possible. Comme Roger la tient embrassée, le manteau tombe, et elle reste avec le voile subtil et transparent qui, devant et derrière, laisse apercevoir les roses et les lis mieux qu’un pur cristal.

Le lierre ne serre pas plus étroitement l’arbre autour duquel il s’est enroulé, que les deux amants ne s’enlacent l’un l’autre, cueillant sur les lèvres la fleur suave de l’âme, que ne sauraient produire les plages odorantes de l’Inde ou du pays de Saba. Eux seuls pourraient dire le grand plaisir qu’ils éprouvent, car ils ont souvent plus d’une langue dans la bouche.

Ces choses furent tenues secrètes, ou du moins on n’y fit aucune allusion, car il est rare qu’on blâme quelqu’un de sa discrétion ; le plus souvent, au contraire, on l’en loue. Tous les hôtes du palais, en bons courtisans, prodiguent à Roger les offres de services et les prévenances cordiales. Chacun lui rend hommage et s’incline devant lui ; ainsi le veut l’amoureuse Alcine.

Il n’est pas de plaisir qu’on néglige ; tous ceux qu’on peut imaginer sont réunis dans l’amoureuse demeure. Deux ou trois fois par jour, on y change de vêtements, selon les divertissements auxquels on se livre et qui consistent le plus souvent en ban-