Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/155

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de source magique, je ne fais aucun doute que, si je l’apporte là où Alcine te dérobe ton bien, je ne renverse tous ces projets, et ne ramène avec moi celui qui cause ton doux souci. Je partirai ce soir, à la première heure, et je serai dans l’Inde à la naissance de l’aurore. »

Et, poursuivant, elle lui raconta le plan qu’elle avait formé pour arracher son cher amant à cette cour molle et efféminée, et le ramener en France. Bradamante tire l’anneau de son doigt. Non seulement elle aurait voulu le donner, mais donner aussi son cœur, donner sa vie, pour venir en aide à son Roger.

Elle lui donne l’anneau et le lui recommande. Elle lui recommande encore davantage son Roger, à qui elle envoie par elle mille souhaits ; puis elle prend son chemin vers la Provence. L’enchanteresse s’en va du côté opposé, et, pour accomplir son dessein, elle fait apparaître, le soir venu, un palefroi dont un pied est roux et tout le reste du corps noir.

Je crois que c’était un farfadet ou un esprit qu’elle avait, sous cette forme, évoqué de l’enfer. Sans ceinture et les pieds nus, elle s’élança dessus, les cheveux dénoués et en grand désordre, après s’être enlevé l’anneau du doigt, de peur qu’il ne s’opposât à ses propres enchantements. Puis elle voyagea avec une telle rapidité, qu’au matin elle se trouva dans l’île d’Alcine.

Là, elle se transforma complètement : sa stature s’accrut de plus d’une palme, les membres grossi-