Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/166

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tile de se servir de son épée. Le meilleur et le plus prompt est donc de découvrir l’écu, œuvre d’Atlante.

Il lève le drap rouge dont l’écu était resté pendant plusieurs jours couvert, et la lumière, dès qu’elle frappe les yeux, produit l’effet mille fois expérimenté. Le chasseur reste privé de ses sens ; le chien et le roussin tombent, et les ailes de l’oiseau ne peuvent plus le soutenir en l’air. Roger, joyeux, les laisse en proie au sommeil.

Alcine, qui pendant tout cela avait été prévenue que Roger avait forcé la porte et occis bon nombre des gardes, vaincue de douleur, resta comme morte. Elle déchire ses vêtements, se frappe le visage, et s’accuse de stupidité et de maladresse. Elle fait appeler sur-le-champ aux armes et rassemble autour d’elle tous ses gens.

Puis elle les divise en deux troupes : elle envoie l’une sur la route que suit Roger ; elle conduit l’autre en toute hâte au port, l’embarque et lui fait prendre la mer. Sous les voiles ouvertes, les flots s’assombrissent. Avec cette troupe s’en va la désespérée Alcine, et le désir de retrouver Roger la ronge tellement, qu’elle laisse sa ville sans garde aucune.

Elle ne laisse personne à la garde du palais. Cela donne à Mélisse, qui se tenait prête, une grande commodité, une grande facilité pour arracher de ce royaume funeste les malheureux qui y étaient retenus. Elle va, cherchant à son aise de tous côtés, brûlant les images, rompant les charmes,