Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/219

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gestes et à leur costume il reconnut pour être de la cour d’Alcine.

Couchées sur des tapis d’Alexandrie, elles goûtaient avec délices la fraîcheur de l’ombre, au milieu de nombreux vases de vin variés et de sucreries de toute sorte. Tout près de la plage, jouant avec les flots de la mer, les attendait un petit navire prêt à gonfler sa voile au moindre vent favorable. Pour le moment, il n’y avait pas un souffle d’air.

Dès qu’elles eurent aperçu Roger qui s’en allait tout droit sur le sable mouvant, la soif aux lèvres et le visage couvert de sueur, elles commencèrent à lui dire qu’il n’avait pas le cœur si déterminé à poursuivre son chemin, pour ne point s’arrêter à l’ombre douce et fraîche, et refuser de reposer son corps fatigué.

Et l’une d’elles s’approche du cheval pour en prendre la bride, afin qu’il puisse descendre ; l’autre, lui offrant une coupe de cristal pleine d’un vin pétillant, redouble sa soif. Mais Roger à ce son n’entra pas en danse, car tout retard de sa part aurait donné le temps d’arriver à Alcine qui venait derrière lui, et qui déjà était proche.

Le fin salpêtre et le soufre pur, touchés du feu, ne s’enflamment pas si subitement ; la mer n’est pas si prompte à se soulever, quand la trombe obscure descend et s’abat en plein sur elle, comme la troisième le fut à éclater de colère et de fureur, en voyant que Roger suivait imperturbablement son droit chemin sur le sable et les méprisait, bien qu’elles se tinssent pour belles.