Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/232

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velus comme des bêtes fauves. Autour de leur étendard entièrement blanc, semble se dresser une forêt de lances. Leur chef Morat le porte ; il compte le teindre dans le sang maure. »

Pendant que Roger regarde les enseignes variées de cette belle armée qui se prépare à secourir la France, et qu’il apprend les noms des seigneurs de Bretagne, quelques-uns de ceux-ci accourent, émerveillés, stupéfaits, pour contempler la bête unique et rare sur laquelle il est monté. Un cercle se forme vite autour de lui.

Aussi, pour augmenter encore leur étonnement et pour s’amuser un peu, le bon Roger secoue la bride du cheval volant et lui touche légèrement les flancs avec les éperons. Celui-ci prend son chemin vers le ciel, à travers les airs, et laisse tout le monde plein de stupéfaction. De là, Roger, après avoir vu, troupe par troupe, les forces anglaises, s’en alla du côté de l’Irlande.

Il vit la fabuleuse Hibernie où le saint vieillard creusa un puits au fond duquel il paraît qu’on trouve tant d’indulgences, que l’homme s’y purge de toutes ses fautes. De là, son destrier l’amena ensuite sur la mer qui lave les côtes de la basse Bretagne. C’est’alors qu’en passant, il vit au dessous de lui Angélique liée sur un rocher nu,

Sur le rocher nu de l’île des Pleurs, car île des Pleurs était nommée la contrée habitée par cette population cruelle, féroce et inhumaine qui, comme je vous l’ai dit dans un chant précédent, parcourait en armes les rivages voisins, enlevant toutes les