Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/239

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CHANT XI


Argument. — Angélique échappe à Roger au moyen de l’anneau enchanté, et se réfugie dans la demeure d’un pasteur. Roger, allant à sa recherche, voit un géant enlever une dame qui lui paraît être Bradamante. — Olympie, abandonnée par Birène et prise par des corsaires, est exposée dans l’île d’Ébude à la voracité du monstre marin. Roland la délivre. Survient Obert, roi d’Irlande, qui devient amoureux d’Olympie et la prend pour femme, après avoir enlevé à Biréne ses États et la vie.



Souvent un frein, quelque faible qu’il soit, suffit pour arrêter au milieu de sa course un destrier fougueux ; mais il est rare que le mors de la raison arrête la furie libidineuse, quand elle a le plaisir en perspective. De même, l’ours ne se laisse pas facilement détourner du miel, dès que le parfum lui en est venu au nez, ou qu’il en a léché quelques gouttes.

Quelle raison pourrait refréner le bon Roger, alors qu’il veut jouir de la gentille Angélique qu’il tient nue dans un bois solitaire et propice ? Il ne lui souvient plus de Bradamante, qui seule lui tenait naguère tant au cœur ; ou s’il lui en souvient, il se croirait fou de ne pas apprécier et estimer aussi celle-là.

En pareille circonstance, l’austère Zénocrate n’aurait pas agi avec plus de continence que lui. Roger avait jeté la lance et l’écu, et il ôtait impa-