Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/256

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parties du corps qui d’habitude étaient cachées par les vêtements, étaient si parfaites, qu’elles l’emportaient sur tout au monde.

Elles surpassaient en blancheur la neige immaculée et étaient au toucher plus douces que l’ivoire. Les seins arrondis ressemblaient au lait qui s’échappe des corbeilles de jonc. Au milieu, descendait un étroit espace, pareil aux nombreuses vallées que l’on voit se former entre les collines, quand la douce saison fait fondre les neiges amoncelées par l’hiver.

Les flancs élancés, les belles hanches, le ventre plus poli et plus net qu’un miroir, paraissaient, de même que les cuisses blanches, sculptés par Phidias ou par une main plus experte encore. Dois-je aussi parler de ces parties qu’elle s’efforçait en vain de cacher ? Je dirai, en somme, qu’en elle, de la tête aux pieds, se voyait autant de beauté qu’il en peut exister.

Si, dans les vallées de l’Ida, elle eût été vue par le berger phrygien, je ne sais trop si Vénus, bien qu’elle eût vaincu les autres déesses, aurait remporté le prix de beauté. Pâris ne serait point allé dans les pays d’Amiclée violer l’hospitalité sainte, mais il aurait dit : Hélène, reste avec Ménélas, car je n’en veux pas d’autre que celle-ci.

Et si elle avait été à Crotone, lorsque Zeuxis, voulant exécuter le tableau destiné au temple de Junon, fit poser nues tant de belles auxquelles il fut obligé, pour obtenir la perfection, de copier à chacune une partie du corps, il n’aurait pas eu