Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/28

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du milieu du fleuve surgir jusqu’à la poitrine un chevalier à l’aspect hautain.

Il était, sauf la tête, complètement armé, et tenait un casque dans la main droite ; c’était précisément le casque que Ferragus avait longtemps cherché en vain. S’adressant avec colère à Ferragus, il dit : « Ah ! parjure à ta foi, maudit, pourquoi regrettes-tu encore de me laisser le casque que depuis longtemps tu devais me rendre ?

« Souviens-toi, païen, du jour où tu occis le frère d’Angélique. Ce frère, c’est moi. Avec le reste de mes armes, tu me promis de jeter, au bout de quelques jours, le casque dans la rivière. Or, si la fortune — ce que toi tu n’as pas voulu faire — a réalisé mon désir, ne t’en fâche pas ; et si tu dois te fâcher, que ce soit d’avoir manqué à ta parole.

« Mais si pourtant tu as envie d’un casque fin, trouves-en un autre et conquiers-le avec plus d’honneur. Le paladin Roland en porte un semblable ; un semblable, et peut-être encore meilleur, en porte Renaud. L’un appartint à Almont et l’autre à Mambrin. Acquiers l’un d’eux par ta valeur ; quant à celui-ci, que tu avais jadis promis de me laisser, tu feras bien de me le laisser en effet. »

À l’apparition que l’ombre fit à l’improviste hors de l’eau, tout le poil du Sarrasin se hérissa, et son visage pâlit. Sa voix qui était prête à sortir, s’arrêta. Puis, s’entendant ainsi reprocher par Argail qu’il avait tué jadis, — il se nommait Argail —